Capitaux propres insuffisants : pourquoi et comment les reconstituer ?
- Baptiste Feuvrier
- 17 mars
- 5 min de lecture
La reconstitution des capitaux propres d’une entreprise en difficulté financière est une démarche importante pour assurer sa pérennité. En cas de pertes importantes, une société doit restaurer son niveau de capitaux propres afin d’éviter la dissolution et de maintenir la confiance de ses partenaires.
Qu’est-ce que les capitaux propres ?
Les capitaux propres représentent les ressources financières dont dispose une société, hors endettement. Ils comprennent :
le capital social apporté par les associés,
les réserves (légales, statutaires ou libres),
le report à nouveau (bénéfices non distribués),
le résultat de l’exercice (bénéfice ou perte).
Ils permettent de mesurer la solidité financière d’une entreprise et sa capacité à faire face aux aléas. Des capitaux propres positifs rassurent investisseurs et créanciers. À l’inverse, s’ils deviennent inférieurs à la moitié du capital social, la situation est juridiquement critique.
Quelles sont les obligations légales pour reconstituer ses capitaux propres ?
Le code de commerce impose la reconstitution des capitaux propres lorsqu’ils deviennent inférieurs à la moitié du capital social de la société (on parle couramment de perte de la moitié du capital social).
Cette obligation vise à protéger les tiers (créanciers, partenaires) en assurant un niveau minimal de fonds propres.
En pratique, dès que les comptes annuels font apparaître que les capitaux propres sont tombés sous 50 % du capital social (du fait des pertes accumulées), les dirigeants doivent réagir rapidement. Ils sont tenus de convoquer une assemblée générale extraordinaire dans les quatre mois suivant l’approbation des comptes constatant la perte, afin de décider soit la dissolution anticipée de la société, soit la poursuite de l’activité avec une démarche de reconstitution des capitaux propres (articles L223-42 et L225-248 du Code de commerce).
Si les associés choisissent de continuer la société, ils doivent reconstituer ses capitaux propres à hauteur d’au moins la moitié du capital social d’ici le deuxième exercice suivant celui de la constatation de la perte. Depuis une réforme de 2023, la société dispose en cas d’échec d’un délai additionnel de deux exercices sous condition de réduire son capital à un seuil minimal (fixé par décret, par exemple 1 % du total du bilan).
À défaut de régularisation dans ces délais tout intéressé (associé, créancier, concurrent…) pourra demander en justice la dissolution de la société.
Par ailleurs, en cas de non-respect des obligations légales (convocations de l’assemblée, publicité de la décision), le dirigeant s’expose à des peines d’amende et même d’emprisonnement en cas d’inaction.
Quelles sont les raisons stratégiques pour reconstituer ses capitaux propres ?
Au-delà de l’obligation légale, reconstituer des capitaux propres devenus insuffisants présente des enjeux stratégiques majeurs pour l’entreprise :
Envoyer un signal positif aux créanciers et partenaires financiers - Les banques examinent par exemple le niveau de capitaux propres dans le bilan pour accorder un prêt
Retrouver la confiance des fournisseurs ou clients – Une situation dégradée des capitaux propres pourrait être à raison interprété comme un risque accru de défaillance de la société.
Rendre la société attractive aux investisseurs - Un investisseur professionnel sera peu probable d’injecter des fonds dans une entreprise dont les pertes ont réduit à néant les fonds propres sans assurance de redressement.
Assurer la pérennité de l’activité - en disposant à nouveau d’une marge de sécurité financière, l’entreprise pourra mieux absorber les aléas futurs et éviter de glisser vers des procédures collectives (redressement ou liquidation judiciaire).
Comment reconstituer ses capitaux propres
La reconstitution effective des capitaux propres peut s’opérer de plusieurs manières, souvent complémentaires. L’accompagnement d’un avocat d’affaires est utile pour à cet égard.
Augmentation du capital
Les associés (ou de nouveaux investisseurs) injectent des fonds dans la société en échange de nouvelles parts ou actions. (Code de commerce, articles L. 225-127 et suivants)
Il est également possible de convertir des créances en capital : par exemple, transformer une dette de la société envers un associé (compte courant d’associé, prêt) en actions nouvelles (conversion de créances).
Cette solution a l’avantage de directement apporter de nouveaux fonds à la société en contrepartie d’un effort financier des actionnaires ou de la dilution de leurs parts dans la société par l’arrivée de nouveaux investisseurs.
Réduction du capital
Les actionnaires peuvent accepter une diminution du capital social. On diminue la valeur nominale des titres (ou le nombre de titres) pour annuler les pertes reportées dans les comptes. Cette réduction de capital est dite « motivée par les pertes » et n’implique aucun remboursement d’argent aux associés (elle se traduit comptablement par l’imputation des pertes sur le capital)
Lorsqu’une société a subi de lourdes pertes, il est fréquent d’avoir recours à un coup d’accordéon, c’est-à-dire une réduction puis une augmentation de capital consécutives.
Concrètement, la société commence par réduire son capital social afin d’apurer les pertes. On procède dans la foulée à une augmentation de capital pour remettre des fonds dans la société. Ces opérations permettent à l’entreprise de repartir sur des bases saines : en annulant les pertes accumulées, la nouvelle augmentation de capital vient recréer des fonds propres positifs sans être grevée par le passé.
Cette procédure nécessite une assemblée générale extraordinaire et le respect strict des formalités, mais elle permet d’éviter la dissolution lorsque les pertes ont quasiment anéanti les capitaux propres initiaux.
Utilisation des bénéfices ultérieurs
La reconstitution des capitaux propres peut également s’opérer progressivement au fil du temps si la société parvient à générer de nouveaux bénéfices.
En réalisant des résultats bénéficiaires lors des exercices suivants et en les conservant en réserves (plutôt qu’en les distribuant sous forme de dividendes), l’entreprise peut progressivement réintégrer ses profits dans les capitaux propres et combler ses pertes antérieures.
Cette voie de « reconstitution naturelle » par les bénéfices nécessite évidemment que l’activité redevienne rentable, ce qui n’est pas toujours garanti pour une société fragilisée.
Réévaluation libre des actifs et subventions d’investissement
Il existe une opération comptable appelée réévaluation libre des actifs : il s’agit de revaloriser certains actifs inscrits au bilan de la société et d’enregistrer l’écart de réévaluation en réserve de réévaluation dans les capitaux propres. Cette revalorisation, autorisée sous conditions, permet d’augmenter les fonds propres sans apport extérieur en reflétant une valeur économique plus juste de l’actif de la société.
Certaines aides ou subventions d’investissement exceptionnelles peuvent améliorer les fonds propres. Les subventions d’investissement sont généralement inscrites en fonds propres spécifiques et réintégrées en résultat de façon échelonnée, contribuant ainsi à augmenter les capitaux propres sur la durée.
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Thomas & Thomas, cabinet d'avocats exerçant en droit des affaires et en droit public, conseille et défend les dirigeants, les entrepreneurs et les investisseurs dans leurs activités. Il accompagne régulièrement les chefs d’entreprise, associés et actionnaires dans les opérations de reconstitution de capitaux propres de leurs sociétés (augmentation ou réduction de capital, abandon de créances, restructuration financière, etc.), et plus généralement dans toutes les démarches juridiques visant à assurer la pérennité et le développement de l’entreprise.
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